XIV
Le Hugues 500 s’arracha à l’étroite zone débroussaillée qui lui servait de terrain d’atterrissage et de décollage. À dix mètres du sol il s’immobilisa, soutenu par ses rotors, tourna lentement sur lui-même, comme si son nez de plexiglas humait pour chercher la direction à prendre.
Bob Morane tenait les commandes. À ses côtés, Sophia Paramount. Le professeur Clairembart, Bill Ballantine et Anita Sorel s’étaient casés à l’arrière.
Enrico Moro avait été enseveli sous des débris de colonnes, quelque part parmi les ruines. Son laboratoire, situé dans une salle, sous le temple de Kukulkan, avait été vidé de son contenu, qui avait été dispersé. Les six métis mercenaires, libérés, étaient allés, comme l’avait dit Morane, se faire pendre ailleurs. Personne ne saurait ce qu’était devenu Enrico Moro, biologiste de génie et criminel. On croirait, jusqu’à nouvel ordre, qu’il s’était perdu quelque part dans la forêt pluviale. Longuement, Bob et ses compagnons avaient discuté du parti à prendre et, d’un commun accord, ils avaient décidé que la meilleure solution était le silence. Moins on en saurait des travaux de Moreau sur les manipulations génétiques, mieux cela vaudrait.
À plusieurs reprises, Morane fit tourner l’hélicoptère au-dessus des ruines de la Cité Perdue. Son temple, ses palais ruinés se détachaient en clair, sous le soleil levant, sur la plaie noircie de la forêt calcinée. Pour combien de temps ? Bientôt, la végétation reprendrait son domaine et recouvrirait tout sous ses vagues de chlorophylle. Déjà, des poulpes verdâtres lançaient leurs tentacules à travers l’espace rongé par l’incendie.
L’hélicoptère fila soudain plein nord. Ses passagers avaient décidé qu’il se poserait quelque part dans la forêt, où on l’oublierait. Ils gagneraient alors à pied un endroit civilisé. Et le grand silence de la jungle retomberait sur l’événement.
Morane soupira. Il jeta un regard en direction de Sophia, qui lui sourit. Tous deux éprouvaient le même sentiment, que Bill Ballantine et Aristide Clairembart devaient partager eux aussi. Chaque fois qu’une aventure se terminait, ils oubliaient les dangers courus et se sentaient saisis par le regret.
Derrière l’hélicoptère, il n’y avait plus maintenant que le moutonnement glauque des canopées tachées de rose par endroits.
La Cité du Serpent à Plumes avait été retrouvée, puis reperdue. Après un court réveil, Kukulkan s’était rendormi.
FIN